On imagine la vie au cours de ces longs hivers sous le doux climat méditerranéen, l’activité continuelle aux cuisines et dans les étages, les conversations un rien mondaines pendant les repas et les heures de repos. Les divertissements aussi, dont tous avaient grand besoin pour oublier un instant les maux qui les avaient amenés là, et, entre autres divertissements, les parties de croquet dans le jardin. L’on peut presque entendre le bruissement de robes des dames au long des couloirs, et le son de la canne des messieurs sur les dalles. On se saluait courtoisement, s’enquérant de la santé de l’autre. Des amitiés se nouaient, des amours aussi peut-être, tandis que les diaconesses, efficaces et pressées, montaient quatre à quatre les étages, tenant habilement leurs plateaux de soins. Dans le Pavillon d’Isolement, on passait le temps en jouant aux cartes,
aux dés, aux dominos. Contagieux ou non, les malades attendaient impatiemment le courrier. Les lettres de leur famille donnaient l’assurance qu’ils n’étaient pas oubliés, que la saison terminée ils retrouveraient la chaleur d’un foyer. La lecture du journal en ce tournant de siècle nourrissait les conversations. L’exposition universelle de Paris en 1889 et l’inauguration de la Tour Eiffel avaient fait grand bruit, de même, plus tard, que l’affaire Dreyfus. On discutait également de la vie dans les colonies britanniques et de la résistance de la Somalie, de la guerre des Boers en Afrique du Sud, de la mort de la reine Victoria. Et bien sûr, la naissance de l’Empire Allemand ne cessait d’inquiéter.